Parcours d’un picard gâté.
Bonjour à toutes et tous avec et sans poils,
Je m’appelle Basil et je suis un Berger Picard, de haute lignée, m’a-t-on dit. Mon papa est un grand champion, je veux dire mon papa chien ; l’autre aussi, c’est aussi un champion mais on ne sait pas encore de quoi …. Moi, je suis surtout un gros nounours …
Pendant mes jeunes mois, j’étais un petit diable qui mordillait tout, mais à l’adolescence, tout juste après mon premier anniversaire, il m’est arrivé un truc pas possible. Imaginez-vous ! Je chassais des mouches, qui, m’a-t-on dit, n’existaient pas. A la maison, en promenade, partout, ces sales bestioles ne se laissaient pas attraper ! Elles me narguaient, même lorsque j’étais parfois calmement couché. Je ne pouvais quand même pas les laisser faire ! Nom d’un os à moelle !
Mes maîtres s’en sont inquiétés ; nous sommes allés ensemble chez ma vété perso, la grande Barbara, à qui ils ont montré le film de mes vaines chasses à l’insecte. J’avais déjà peur qu’elle me donne une piqûre, Barbara. C’est une de ses sales manies ; chaque fois qu’elle me voit, paf ! Piqûre ! Mais non, elle a dit à mes maîtres, qu’elle avait une copine qui avait un bon attrape-mouche. Joëlle, elle s’appelle la belle. A la base, Joëlle, elle a 3 gros avantages : elle ne fait pas de piqûre, elle a des bonbons et elle habite chez un de mes potes, D’Artagnan, vous savez, celui qui aime bien le Porto … C’est pas un gars con, D’Artagnan, non, c’est un gascon, m’a-t-on dit, alors que moi, je suis un picard !
Dès la première visite, elle s’est rendue sympa, Joëlle. Petite caresse, petit biscuit, petit jouet, … Moi, je lui ai laissé un gros paquet sur son beau parquet. Un bien odorant, bien mou, enfin, vous vous imaginez la chose … Elle s’est même pas fâchée !
De chez elle, on a fait la tournée du Contrex : chez un ophtalmo pour chien – si, si, ça existe, chez un radiologue à Visé. Pourquoi tournée du Contrex ? Y fallait éliminer, disait-elle. Pourtant, je pensais déjà l’avoir fait dans son bureau avec mon gros paquet … Nous avons donc éliminé les causes organiques, comme disait Joëlle.
Et puis, ce fut la conclusion, la douche froide, j’avais des stéréotypies. C’est ce qui s’appelle chez vous, les humains, des tocs, trouble obsessionnel comportemental. A ce que Joëlle nous a expliqué, c’est le flux de neurotransmetteurs qui n’est plus suffisant ; la dopamine et la sérotonine qui font des leurs. Joëlle nous a dit qu’il fallait combler ça par des médicaments. Là, mon chemin de croix a commencé. C’étaient des machins super lourds. D’abord pas bon à avaler et moi je suis le champion de la ségrégation : mélangez un de ces trucs immondes à n’importe quoi de bon, je vous avale le grain et vous recrache l’ivraie. Eh oui, c’est ça le picard. Je dois toutefois avouer qu’au fil du temps, ils m’ont battu : les petits comprimés dans du pâté crème ; rien à redire, le pâté crème, c’est drôlement bon. Alors pas de fioritures, j’avalais tout d’un coup.
Mais le problème, c’est qu’après le pâté, je me sentais mal, mais mal. Lourd, fatigué, abattu, les pattes lourdes, la tête ailleurs. Même pas envie de jouer avec ma compagne picarde, ma petite fée biscotte. Pourtant, elle en avait envie et elle est craquante ma biscotte ; regardez-la avec moi, la petite blonde :
Malgré le pâté, je voyais encore des mouches. Alors, encore plus de pâté et encore plus sonné. Et puis, des hauts et des bas. Et, ils ont dû garder le moral mes maîtres et la belle Joëlle ; je les entendais parfois chuchoter en grand secret : « et que va-t-on faire, maintenant ? Gardez le moral ! ».
Et puis, un jour, comme Joëlle l’avait dit, ça a été mieux, beaucoup mieux ; c’était quand même un an et demi après qu’elles soient venues pondre leurs œufs dans ma tête, ces foutues mouches ; comme quoi, il faut persévérer et toujours garder l’espoir. Elles ont été vinaigrées et sont parties pour de bon. Au début, je sentais mes maîtres dubitatifs mais, moi, je savais que ça allait beaucoup mieux au fond de moi. Mais j’avais encore du pâté, j’étais toujours le zombie de service. Et puis, le pâté crème est devenu moins croquant : ils mettaient moins de trucs blancs durs dans le pâté ; de moins en moins, jusqu’au jour où le pâté est devenu vraiment tout mou : plus rien du tout dedans.
Maintenant que tout va bien après deux ans de galère, il y juste deux choses que je regrette : je ne reçois plus de pâté et je ne vais plus voir D’Artagnan et Joëlle. Mais bon, j’ai repris un goût énorme à beaucoup d’autres choses : ma petite biscotte, une vraie « craquotte », mes jeux que j’avais laissé tomber, et puis, je n’arrête pas de siffler la queue en l’air et enfin, disons-le aussi, de siffler les jolies filles bien poilues. Regardez-nous ensemble, avec Biscotte et mon maître.
Voilà, ça, c’est mon histoire de picard. Et la conclusion, me demandez-vous ? Eh bien, vous ne me croirez jamais ! Joëlle, elle, va participer aux jeux Olympiques comme archère : rendez-vous compte : elle a trouvé la cible, trouvé le bon arc et visé en plein milieu de la cible. Si, ça, ça ne vaut pas une médaille d’or, alors, moi, je ne m’appelle pas Basil. D’ailleurs, s’ils ne lui donnent pas la médaille d’or, moi, je lui donnerai la mienne ! Elle n’est peut-être en or mais elle est à mon nom et en forme de cœur.
Basil, le Picard
Juillet 2012